Jean ECHENOZ
COURIR de Jean ECHENOZ, aux éditions de minuit
Ce n’est pas une biographie. L’auteur nous raconte avec talent quelques courses mythiques qui ont amenées Zatopek tout en haut de l’affiche, une gloire nationale et internationale qu’il n’a jamais recherchée. Jean Echenoz analyse finement dans un style qui lui est propre l’utilisation de l’athlète à des fins de propagande par un système totalitaire. Le livre terminé, nous avons une idée de ce qu’a été Emile Zatopek
Emile Zatopek est né en 1922 dans un pays qui aujourd’hui n’existe plus. La Tchécoslovaquie, dans la région de Moldavie.
Le roman commence par l’invasion allemande qui transforme cette région en protectorat. Emile a dix-sept ans, il n’a pas continué ses études pour des raisons financières, sa famille est pauvre. Il est rentré dans une école d’apprentissage qui dépend de la société BATA (chaussures). Il suit des cours de chimie pour travailler plus tard dans un laboratoire. Il est timide, solitaire et n’aime pas le sport. La Wehrmart organise des manifestations sportives, il est vivement conseillé à la jeunesse tchèque d’y participer. Dans un crosscountry de 9 kms se côtoient une jeunesse militaire allemande bien équipée à des tchèques dépenaillés, Emile en fait partie. Il participe contraint et forcé et termine deuxième sans s’en rendre compte. Il est repéré par un entraineur local. Il trouve qu’il court bizarrement mais bon qu’il court pas mal. Ses amis l’invite à courir avec eux, il n’ose pas refuser. Au bout d’un certain temps, il prend du plaisir à courir et fini par s’entrainer seul. Il participe à sa première course, un 1 500m, avec les meilleurs tchèques du moment. Salé est le favori, Emile le suit, les trois autres tchèques partent très vite pour décourager Salé, cette stratégie est payante, mais ils ont oublié Emile qui les remonte un à un et termine en sprint premier. Il vient d’inventer le sprint final. Après la guerre il accomplit son service militaire, l’exercice pour lui n’est rien en regard de ses entrainements, il trouve que c’est mieux que de travailler chez Bata. En plus rien n’est perdu pour la course. Il aimerait rentrer à l’Académie qui forme des officiers de carrière, l’état-major qui connait ses résultats accepte sa candidature. Il participe à des championnats militaires, il ramène des médailles et améliore sans cesse des records nationaux. Il devient une idole nationale.
Aux jeux Olympiques de Londres en 1948 les premiers après la guerre, il ramène une médaille d’or du 10 000m et argent du 5 000. A son retour, il est nommé capitaine et un an plus tard, il s’empare du record du monde sur 10 000 m
En haut lieu, on s’inquiète de sa notoriété, on a peur qu’il passe à l’Ouest. Pour cela, il n’a plus les autorisations pour sortir du bloc des pays communiste. Il se marie avec Dana, une athlète de haut niveau sa spécialité, le javelot.
Le régime se durcit. Tout le monde soupçonne tout le monde. On ne parle plus à personne, on prend sa carte du parti pour être tranquille et on participe aux manifestations nationales. Emile a la carte du parti, bien obligé, c’est par complaisance, il n’est pas convaincu de la grandeur du régime communiste et n’apprécie pas du coup de ne plus pouvoir participer à des manifestations sportives en dehors des pays de l’est. Ca ne l’empêche pas de s’entrainer durement et de battre le record du monde sur 20 kms, premier homme à passer en dessous de l’heure et le record du monde de l’heure. Dans les courses, il est redoutable, ses accélérations épuisent et démoralisent ses adversaires.
Aux jeux Olympiques d’Helsinki, il a trente ans. Contre l’avis de tous (notamment les entraineurs officiels, médecins, etc), il s’inscrit à trois épreuves de fond. 5 000 m, 10 000 m et Marathon. Médaille d’Or sur les trois épreuves. Sur sa lancée, il s’attaque à d’autres distances de fond. Il finit par détenir 9 records du monde. Du jamais vu, Zatopek est l’homme le plus rapide du monde. Son nom devient un mythe.
IL commence à perdre, il a 33 ans, c’est la dure loi du sport. Il tente d’améliorer son record mondial du 10 000 m, échoue. Il prépare le Marathon de Melbourne qui sera sa dernière participation aux Jeux Olympiques et annonce officiellement qu’il se retirera des compétitions internationales après Melbourne. Il reprend le record du monde sur 25 kms. Il a tous les records du monde en longue distance, on ne comprend plus. A Melbourne, ce sera un calvaire, il terminera sixième derrière un certain Mimoun premier, plus âgé que lui. Une page est tournée.
Côté politique, le nouveau secrétaire (Alexandre DUBCEK) se démarque de son grand frère l’URSS. Il prône l’ouverture vers l’Europe, supprime la censure, instaure la tolérance religieuse. L’URSS est exaspérée, en 1968 les militaires du pacte de Varsovie investissent Prague. Emile se joint aux manifestants pour une résistance passive. La répression ne se fait pas attendre, Emile est renvoyé de son poste au ministère, limogé de l’armée, exclu du parti. 300 000 autres tchèques sont exclus, limogés ou rétrogradés. Emile se retrouve comme manutentionnaire dans une mine d’Uranium pendant six ans, ensuite, affectation à Prague comme éboueur, il est ovationné par la population. Les autorités lassent l’envoi quelques temps à la campagne. Fin du purgatoire, on l’affecte comme archiviste au ministère des sports. Il doit signer des aveux concernant sa participation avec les forces contre révolutionnaire.